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Le temps

Le temps est ce dont on dispose le plus puisque le temps est. Et c’est aussi ce dont on dispose le moins, puisque le temps passe. Dans la vie, donc rien n’est une question de temps et tout est une question de priorités.

Prendre le temps c’est donner la priorité au moment présent, parce que ce qu’on fait ici et maintenant est forcément plus important que tout ce qu’on pourrait faire d’autre. Occuper le temps est une affaire de choix. Parce que le temps est ce qu’on en fait, le temps nous met en face de nos responsabilités ; envers nous mêmes et aussi envers la société.

Le temps est devenu tellement important qu’il s’affiche partout : sur les téléphones, les ordinateurs, les fours, dans les stations de métro et les voitures… sur les tickets de caisse et même parfois sur les montres et les horloges. Nous naviguons d’une horloge à l’autre. Une véritable obsession collective.

Chronomètre de marine

En réalité, pour parcourir la terre en tous sens, deux instruments sont nécessaires : le sextant qui permet de s’orienter du nord au sud et le temps qui permet de naviguer d’est en ouest. À partir de la fin du XVème siècle, les premiers navigateurs ont pu partir à la découverte de la terre en s’appuyant sur l’astronomie et l’horlogerie.

Et d’ailleurs, c’est parce qu’il faisait son tour du monde contre le cours du temps que Philéas Fogg finit par gagner son pari.

Encore aujourd’hui pas de GPS précis sans horloge précise ni de navigation sur les site web sécurisés sans synchronisation entre serveurs informatiques.

Le temps est un phénomène de perspectives

Jean Cocteau

On comprend mieux que face à la déferlante d’horloges qui nous entoure, les outils les plus précieux aujourd’hui sont ceux qui permettent de s’organiser pour optimiser le présent.

Un minuteur Pomodoro

La méthode Pomodoro est aussi simple et ludique qu’efficace. Cette méthode consiste à diviser le temps en unités de concentration. C’est idéal pour le bachotage et les travaux qui demandent de la concentration. La méthode Pomodoro permet d’alléger (un peu) le travail sous contrainte.

Getting Things Done

Quant à la méthode GTD (Getting Things Done), elle est plus conceptuelle et plus algorithmique. Parue en 2001 cette méthode transforme tout en projets et si elle est assez exigeante, elle se révèle d’une grande efficacité.

Ces deux méthodes sont ludiques et efficaces. À tester d’urgence en confinement, donc !

À demain, 21 heures.

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Culture Réflexion(s)

Cuisiner

Faire la cuisine est une activité tellement ancienne qu’on peut aller jusqu’à dire qu’elle est consubstantielle de la nature humaine. Et même mieux, faire la cuisine fait partie de ces quelques activités spécifiques à l’être humain.

Dans toutes ses dimensions, la cuisine n’est qu’expérience. Quel est le goûts des endives ? On aura beau essayer de le décrire, quelle que soit la langue employée et aussi riche soit le vocabulaire, la seule manière de le savoir est encore d’en manger une salade.

On cuisine…

En cuisine tout est affaire de goût et même si le goût s’éduque et change avec l’âge, il est quasiment illusoire de chercher à en fixer les canons. À force d’être réiniventées, à force d’être revisitées, dans les plus humbles des foyers comme dans les plus grands des restaurants, les recettes changent et les goûts évoluent. En cuisine, moins qu’ailleurs, toutes les vérités sont relatives : aux gens qui la font, aux gens qui la mangent, aux régions où elle se pratique.

Rire est le plus court chemin d’un homme à un autre

Georges Wolinski

Tout comme le rire, la cuisine constitue un de ces fameux chemins de traverse entre les êtres humains car elle permet d’aller au delà des mots. Pour signifier qu’un plat est bon, pas besoin de vocabulaire, des mimiques suffisent. Et d’ailleurs, quoi de plus immédiat que la cuisine pour découvrir une culture ?

Qui veut des ravioli ?

Mais surtout, la cuisine est faite pour être partagée. Peu importe ce qu’on cuisine, peu importe, même, le goût des plats, cuisiner est avant tout le prétexte à réunion et à partage. Les doctes et les savants appellent cela la commensalité. Au diable la science ! Même autour d’une boite de ravioli on peut passer des soirées fantastiques et construire des souvenirs pour la vie.

Les grecs anciens avaient trois mots pour décrire l’amour. Agapé désigne l’amour inconditionnel et s’est transformé en agapes, un repas où l’on partage le pain.

Cuisiner est un acte d’amour qu’on fait deux fois par jour, tous les jours.

À demain, 21 heures

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(re)Lire la presse

À L’heure des réseaux sociaux et des médias en continu, lire la presse peut sembler anachronique. Imprimés en grand format sur du papier qui salit les mains, les journaux ne sont que quotidiens et donc forcément jamais à la page. Mais quand on les compare aux deux cents caractères des tweets ou aux légendes des photos sur Snapchat, les journaux permettent de prendre de la hauteur et de creuser les sujets.

D’ailleurs il s’agit d’une évolution intéressante, quand on sait qu’il y a moins de trente ans la presse quotidienne était vue comme un support assez superficiel, ne permettant que de rendre compte que des événements, l’analyse en profondeur étant le domaine réservé du livre. C’était quand pour un journal, le destin final consistait à emballer du poisson.

En devenant électronique et donc continue, la communication ne nous a pas libérés que de la contrainte du temps, elle nous a également libérés de la contrainte d’espace. Sur un blog ou sur un site web, on peut écrire en faisant abstraction de la notion de page et même de volume. La page web nous fait revenir au temps du rouleau de parchemin ou de papier, comme celui qu’utilisa Jack Kerouac pour écrire son fameux Sur la route (1957). La page web permet de se répandre et de déborder à l’envi.

Manuscrit de Sur la route de Jack Kerouac

Parce que dans un journal la place est comptée, il faut choisir. C’est le métier du rédacteur en chef qui doit en permanence peser le pour et le contre pour définir la ligne éditoriale de son journal. C’est aussi le métier du journaliste qui doit respecter la contrainte de volume s’il veut voir son papier publié. À l’heure de la surabondance d’informations, il s’agit de vraies prouesses.

Choisissez un journal et n’en lisez qu’un mais lisez-le en entier tous les jours

Raymond Aron

Techniquement, il est possible de s’informer soi-même en temps réel mais comme personne n’y arrive réellement, on s’en remet en réalité aux algorithmes affinitaires des réseaux sociaux dont la finalité est publicitaire, ce qui biaise forcément les choses.

C’est ici que le conseil que Raymond Aron donnait à ses étudiants prend tout son sens. Lire la presse ne permet pas seulement de s’informer de manière pratique (avec l’habitude, lire un journal peut se faire assez rapidement, surtout en PDF), c’est aussi — et surtout — une façon de se laisser surprendre par les choix de la rédaction. Une façon de se poser des questions.

En un mot une façon de réfléchir. Et donc une façon de s’occuper utilement en confinement.

À demain, 21 heures

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Nouveau

Parmi les arguments publicitaires, nouveau est certainement le plus le plus utilisé. Nouveau est une sorte de panacée universelle de la communication. Plus largement, quand une marque n’a rien à dire, elle peut toujours en appeler à la nouveauté. L’attrait et le pouvoir de la nouveauté sur les consommateurs est proprement fascinant. Dans les années 1970, Coluche en avait fait un sketch d’une incroyable drôlerie.

Publicité Lipton

Dans le même ordre d’idée, quand on demandait à Enzo Ferrari quelle était sa meilleure voiture, il répondait du tac au tac : la prochaine. Nouveau est un des moteurs de la société de consommation.

La nouveauté questionne notre rapport au progrès, naturellement. Mais surtout, la nouveauté interroge notre confiance. Confiance dans le monde qui nous entoure et, bien entendu, confiance en nous-mêmes. Pour se lancer dans quelque chose de nouveau, il ne faut pas trop se poser de questions et il faut accepter de partir — au moins un peu — à l’aventure ; il faut être suffisamment sûr de son coup.

Un taxi pour Toubrouk (1961), film de Denys de la Patellière
Michel Serres, philosophe Montreuil, 2014 Crédit photo : Bruno LEVY/CHALLENGES-REA

Est-ce que ce sera mieux pour autant ? Cette question amène une réflexion sur l’optimisme, qui va de pair avec la confiance et qui en quelque sorte, créée un cercle vertueux. C’est d’ailleurs ce que démontre le philosophe Michel Serres dans un petit livre qui est aussi profond qu’agréable à lire : C’était mieux avant (Le Pommier, 2017). En proposant une suite à Petite poucette (Le Pommier, 2012), Michel Serres construit une véritable éthique de l’optimisme.

Quand on manque de confiance ou qu’on se pose des questions, on fini par en appeler à la nostalgie. La nostalgie est comme ce vieux pull usé qu’on garde au fond d’un placard. Il nous rappelle des bons souvenirs. Pourtant quand on l’enfile on ose pas sortir en se disant ce n’est quand même pas possible.

Alors que la période de confinement nous pousse à l’introspection et à la réflexion, il faut rester optimistes. Aujourd’hui est mieux qu’hier et demain sera mieux qu’aujourd’hui.

À demain, 21 heures

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Numérique

Après avoir parlé d’informatique, puis de digital, le terme consacré aujourd’hui est numérique. Toute la question est de savoir qu’il désigne ! Le numérique, comme ses prédécesseurs, est un concept assez vague, en réalité, qui va des services en ligne aux voitures intelligentes, et de la téléphonie mobile à la maison connectée (ne surtout plus dire domotique !), sans parler de l’intelligence artificielle ou du mouvement des makers.

Maurits Cornelis Escher, Montée et descente (1960)

Parce que son histoire est assez récente (les premiers ordinateurs dignes de ce nom ont moins de soixante-dix ans) et parce que sa progression a été fulgurante, le numérique donne l’impression d’être une sorte de génération spontanée perpétuelle : il se passe toujours quelque chose de nouveau et ce qui était à la mode hier est totalement dépassé aujourd’hui.

Le numérique a son propre vocabulaire, ses pratiques propres, ses méthodes propres. Le numérique a créé une véritable culture avec ses référents, ses blagues, son histoire. Et parce que le numérique s’est immiscé partout où il pouvait, il a aujourd’hui envahit nos vies. Sans surprise, le numérique a construit un écosystème avec ses héros et ses anti-héros, ses géants et ses stars déchues.

Boite de Télécran

Ce qui frappe avec le numérique c’est qu’il est finalement assez peu conceptuel. Le numérique ne demande pas une grande capacité d’abstraction : le numérique est une invitation à l’apprentissage en mode essais-erreurs. Manipuler du logiciel, c’est un peu comme jouer avec le Télécran de notre enfance. Si on est pas satisfait, on efface et on recommence. Pour les français que nous sommes, habitués à l’abstraction, il n’est pas toujours facile d’y comprendre quelque chose.

Breaking Smart

En 2016, Venkatesh Rao, a publié sous le titre Breaking smart, une série de dix-sept articles consacrés au numérique. Avec une approche très littéraire et très conceptuelle, Breaking smart offre — enfin — une explication à la fois poétique et rationnelle du numérique. Et la bonne nouvelle c’est que ce texte clairvoyant est traduit en français.

Prendre de la hauteur, réfléchir, envisager, imaginer et comprendre. Exactement de quoi s’occuper utilement en confinement.

À demain, 21 heures

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Diversité

Qu’il s’agisse de biotope ou de culture ; de politique ou d’orientations sexuelles, la diversité semble s’être immiscée partout. Elle est devenue une sorte d’argument marketing incarnant un besoin de reconnaissance. Revendiquer la diversité permet d’exister par soi-même et de se distinguer de la masse.

Or, pris dans cette acception, le terme diversité change de sens. Il devient altérité, c’est-à-dire non pas ce qui est différent mais ce qui est d’une autre identité.

En quelques lignes on découvre tous les trésors du vocabulaire. Et pour joindre le geste à la réflexion, on pourra aller parcourir le Trésor de la langue française informatisé , créé il y a des années par une équipe de recherche de l’université de Lorraine. Bien entendu, il n’est pas forcément au goût du jour… et alors ? Après tout, c’est aussi l’occasion de s’apercevoir que le sens même des mots change avec le temps. Et et c’est là un point crucial : les mots sont des organismes vivants.

Quand on parle vocabulaire, la grammaire n’est jamais loin… on peut alors sortir le fameux Bon usage de Maurice Grévisse. D’aspect imposant, cette véritable institution est pourtant d’un abord assez facile.

Naturellement, on ne lit ni le Grévisse ni le dictionnaire comme des romans (quoique), mais leur lecture fait du bien. En enrichissant son vocabulaire et sa grammaire on ne fait pas que se cultiver, en réalité on enrichit son esprit car, comme les linguistes l’ont démontré, on pense avec des mots et pas l’inverse.

C’est pourquoi le sens des mots est important. C’est à la fois le début de l’éducation politique et du marketing. C’est d’ailleurs ce que démontre Franck Lepage avec maestria.

Franck Lepage : on pense avec des mots

Franck Lepage a le mérite d’être un marxiste sincère. Cela permet de ne pas avoir de doute sur ses prises de positions. Pour autant, ses démonstrations ne manquent ni d’à-propos ni même de sens, au contraire. Il faut écouter Franck Lepage, même — voire surtout — quand on est pas marxiste.

Celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit

Antoine de Saint Exupéry

La diversité n’est pas seulement une revendication, c’est aussi — voire surtout — une pratique quotidienne, qui permet de croiser les sources et les points de vue. Une pratique qui permet de s’enrichir.

Et c’est en cela qu’il faut se méfier des réseaux sociaux. En effet, parce que se sont avant tout des supports publicitaires, les réseaux sociaux utilisent des algorithmes affinitaires. Et cette optimisation a créé un biais bien connu : cela amoindrit la diversité de points de vues. Tant et si bien qu’arrive un moment où on se retrouve dans une sorte de bulle informationnelle.

À l’heure des réseaux sociaux, la diversité informationnelle est une nécessité vitale.

À demain, 21 heures.

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Le bois

Même mort, le bois est une matière vivante. D’ailleurs il arrive aux portes et aux meubles en bois de jouer, au gré des saisons. Et pour faire durer le bois dans le temps, il faut le nourrir. Le bois est une matière fascinante. Depuis la nuit des temps l’homme entretien, cultive et utilise le bois. Pour se chauffer, pour se loger et pour s’équiper.

On peut classer le bois parmi ces objets inanimés dont Lamartine se demande s’ils n’auraient pas une âme (dans le très long poème Milly ou la terre natale). Le bois est à la fois un symbole de vie et un symbole de mort. Jusqu’en 1981, les bois de justice désignaient en effet la guillotine.

La fin de tout, tapisserie de Jean Lurçat

Selon les âges et les cultures, on attribue au bois des symboliques en tous genres, en jouant sur les différentes essences . L’olivier en particulier car il a joué un rôle important dans l’histoire de l’humanité. Dans son Chant du Monde, c’est par une branche cassée que Jean Lurçat symbolise la fin de tout.

Les racines des arbres visitent l’intérieur de la terre et leurs cimes tendent vers la voute étoilée du ciel. On peut donc voir les arbres comme un lien entre l’infiniment profond et l’infiniment élevé. En quelque sorte, le bois est un morceau d’infini.

L’arbre tordu vivra toute sa vie, l’arbre droit finit en planches

Proverbe japonais

En parlant de bois, ce proverbe japonais parle naturellement de nous-mêmes et nous incite à non pas tellement à choisir mais à peser chaque argument car pourquoi ne pas avoir un destin de planche ? Après tout, être une planche de salut peut constituer un destin enviable, non ?

En réalité, le bois nous incite à réfléchir sur la nature même des choses. De quel bois sommes-nous faits ? De quel bois nous chauffons-nous ?

Des questions à méditer auprès d’un bon feu de bois…

À demain, 21 heures

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Pléiade

Depuis presque cent ans, la Bibliothèque de la Pléiade représente une consécration pour les auteurs et une référence pour les lecteurs ; bref, une certaine idée du livre et, plus largement de la culture. Composée de presque huit cents titres, cette collection est aujourd’hui devenue une institution.

Baudelaire, le premier Pléiade

Ces beaux livres sont ce que, techniquement, les professionnels de l’édition appellent des livres de statut, dont la définition est amusante : si vous en avez un, c’est qu’on vous l’a certainement offert et si vous en achetez un, c’est certainement pour l’offrir. En réalité des livres qu’on ne lit que rarement… et c’est dommage car Gallimard, qui en est l’éditeur, apporte un grand soin à la conception, l’édition et la fabrication de ces ouvrages. Lire un Pléiade est un plaisir total : pour l’esprit, bien entendu, et aussi pour les sens car ces livres sont beaux, sentent bon et les pages sont agréables au toucher.

Des Livres de poche

La Bibliothèque de la Pléiade est, en quelque sorte, la haute couture du livre. À l’heure où l’information est omni-présente et diffusée sur tout ce que la planète compte de réseaux électroniques en tous genre, il y a certainement là une piste de réflexion. Alors que les tablettes et les liseuses sont partout, le livre de poche a-t-il encore un sens ? Et plus largement, le livre ne pourrait-il être la haute couture de l’édition ?

Quand on pense au livre, ce qui vient immédiatement à l’esprit est la question du fond, ou du signifié comme disent les linguistes. Parce qu’il rend tout contenu fluide, le numérique impose de s’attaquer à la question de la forme. Bref, le livre ne devrait-il pas, lui aussi se poser la question de sa nature même ?

Après tout, dans d’autres domaines, c’est avec une approche par le haut que certaines activités ont tiré leur épingle du jeu. Les bouchers indépendants, par exemple, laissent la viande bas de gamme aux supermarchés et se concentrent sur les viandes de race.

Idem pour les boulangers de quartier qui ne vendent plus de baguette toute simple depuis longtemps. Ce pain qui colle aux dents et qui alourdi la digestion est aujourd’hui uniquement industriel. Les boulangers vendent du pain de tradition française, fait de façon artisanale avec des farines de qualité. Plus largement, dans les professions alimentaires le terroir est une véritable bouée de sauvetage.

Lire n’est pas seulement apprendre ou se cultiver ou même rêver. Lire c’est d’abord penser, laisser son esprit vagabonder. Lire est l’école buissonnière de l’imagination. Et pour cela le fond et la forme doivent se répondre et se compléter. Sauver le livre commence peut-être par une remise en question de sa nature même.

À demain, 21 heures.

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Traditions

Les traditions ont un indéniable côté rassurant : on a toujours fait comme ça, alors on continue. Les traditions se transmettent de générations en générations. Nos parents avant nous les pratiquaient, nous les pratiquons depuis l’enfance et nous serons heureux de les transmettre à nos propres enfants. Les traditions construisent les cultures.

Et comme les traditions ont un petit côté fractal, il en existe à toutes les échelles : le pays, la famille ou soi-même car, avouons-le, chacune et chacun de nous vit avec ses petites traditions. Les traditions vont au delà des simples habitudes. Elles permettent de créer des rituels qui rythment nos existences.

À première vue, les traditions ne posent pas de questions, elles sont. On les respecte et on les pratique, tout simplement. À première vue du moins car les traditions posent en réalité beaucoup de questions.

Les Recettes faciles

Parce qu’elles se transmettent par la pratique, les traditions posent rarement la question du comment et c’est d’ailleurs ce qui dénote leur ancrage culturel. Amusons-nous à chercher la recette des œufs au plat, par exemple… et bien même dans les fameuses Recettes faciles de Françoise Bernard, on ne la trouve pas ! Dans le même ordre d’idée, dans certains restaurants, je suis toujours amusé de voir des touristes manger une soupe à l’oignon à déjeuner…

Les traditions posent la question du pourquoi. Certes on fait telle ou telle chose depuis toujours, mais sait-on vraiment ce qui justifie cette pratique ? En cela les traditions ne sont pas forcément si rassurantes que ça, car elles nous remettent face à nous mêmes. Pourquoi fait-on comme ci ou comme ça ? Est-ce encore justifié ? Ne pourrait-on pas faire mieux ou autrement ? Avant de nous lancer dans la reproduction mécanique d’un geste ou d’une pratique, les traditions questionnent cette pratique en elle-même.

Parce qu’elles nous permettent de remettre les choses en question, les traditions nous permettent chaque jour de nous remettre nous-mêmes en question.

À demain, 21 heures.

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Fractales

Mises en lumière à la fin des années 1970 par le mathématicien Benoît Mandelbrot, les courbes fractales ont la propriété étonnante de présenter une structure similaire à toutes les échelles. Cerise sur le gâteau les équations qui permettent de les générer peuvent être assez simples. En pratique, on a beau zommer encore et encore sur la courbe, elle a toujours le même aspect. Sans être aisé à faire à la main, le calcul fractal ne demande pas non un ordinateur d’une grande puissance, si bien que dans les années 1980, les courbes fractales ont fait fureur dans la presse de vulgarisation scientifique.

Représentation de l’ensemble de Mandelbrot

Avec ce qu’on appelait alors un micro-ordinateur familial il était assez aisé d’écrire un programme de calcul de courbes fractales. C’était récréatif et rafraichissant. Naturellement, la théorie des fractales a trouvé des applications dans le domaine de la finance et quelques autres domaines de l’économie.

Benoit Mandelbrot (1924-2010)

Au delà des mathématiques, il est possible de regarder le monde au travers d’un prisme fractal. De très nombreuses constructions humaines ont un aspect de reproduction à l’identique avec l’échelle comme seule variation. L’organisation administrative est souvent fractale. Prenons la France : les communes, les départements, les régions, l’état (voire même parfois l’Union européenne). Les postes restent les mêmes, les responsabilités et les rôles restent les mêmes, seule change l’échelle. Le maire, le préfet, le préfet de région, le ministre de l’Intérieur. Chacun à son échelle traite le même problème.

Dans les entreprises ou les structures associatives on trouve également des organisations fractales : un vendeur, sur le terrain, qui rapporte à un directeur des ventes dans une agence locale, qui lui même rapporte à un directeur régional… et ainsi de suite jusqu’au directeur commercial monde, pour peu qu’on soit dans une multinationale. Vu sous cet angle, le monde est fait de poupées russes… et de toute la tringlerie de communication qui va avec !

Naturellement considérer le monde au travers du prisme fractal relève d’une démarche poétique, en quelque sorte. Il n’en reste pas moins que le prisme fractal permet de comprendre le monde par estimations successives. Une fois vue la structure globale il est possible de l’affiner et de la préciser mais si on ne s’est pas trompé dans sa vision initiale, on peut réfléchir avec des bottes sept lieues, en quelque sorte. Dans un monde qui semble de plus en plus complexe, prendre de la hauteur n’est pas inutile.

À demain, 21 heures