Catégories
Réflexion(s)

Diversité

Qu’il s’agisse de biotope ou de culture ; de politique ou d’orientations sexuelles, la diversité semble s’être immiscée partout. Elle est devenue une sorte d’argument marketing incarnant un besoin de reconnaissance. Revendiquer la diversité permet d’exister par soi-même et de se distinguer de la masse.

Or, pris dans cette acception, le terme diversité change de sens. Il devient altérité, c’est-à-dire non pas ce qui est différent mais ce qui est d’une autre identité.

En quelques lignes on découvre tous les trésors du vocabulaire. Et pour joindre le geste à la réflexion, on pourra aller parcourir le Trésor de la langue française informatisé , créé il y a des années par une équipe de recherche de l’université de Lorraine. Bien entendu, il n’est pas forcément au goût du jour… et alors ? Après tout, c’est aussi l’occasion de s’apercevoir que le sens même des mots change avec le temps. Et et c’est là un point crucial : les mots sont des organismes vivants.

Quand on parle vocabulaire, la grammaire n’est jamais loin… on peut alors sortir le fameux Bon usage de Maurice Grévisse. D’aspect imposant, cette véritable institution est pourtant d’un abord assez facile.

Naturellement, on ne lit ni le Grévisse ni le dictionnaire comme des romans (quoique), mais leur lecture fait du bien. En enrichissant son vocabulaire et sa grammaire on ne fait pas que se cultiver, en réalité on enrichit son esprit car, comme les linguistes l’ont démontré, on pense avec des mots et pas l’inverse.

C’est pourquoi le sens des mots est important. C’est à la fois le début de l’éducation politique et du marketing. C’est d’ailleurs ce que démontre Franck Lepage avec maestria.

Franck Lepage : on pense avec des mots

Franck Lepage a le mérite d’être un marxiste sincère. Cela permet de ne pas avoir de doute sur ses prises de positions. Pour autant, ses démonstrations ne manquent ni d’à-propos ni même de sens, au contraire. Il faut écouter Franck Lepage, même — voire surtout — quand on est pas marxiste.

Celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit

Antoine de Saint Exupéry

La diversité n’est pas seulement une revendication, c’est aussi — voire surtout — une pratique quotidienne, qui permet de croiser les sources et les points de vue. Une pratique qui permet de s’enrichir.

Et c’est en cela qu’il faut se méfier des réseaux sociaux. En effet, parce que se sont avant tout des supports publicitaires, les réseaux sociaux utilisent des algorithmes affinitaires. Et cette optimisation a créé un biais bien connu : cela amoindrit la diversité de points de vues. Tant et si bien qu’arrive un moment où on se retrouve dans une sorte de bulle informationnelle.

À l’heure des réseaux sociaux, la diversité informationnelle est une nécessité vitale.

À demain, 21 heures.

Catégories
Réflexion(s)

Le bois

Même mort, le bois est une matière vivante. D’ailleurs il arrive aux portes et aux meubles en bois de jouer, au gré des saisons. Et pour faire durer le bois dans le temps, il faut le nourrir. Le bois est une matière fascinante. Depuis la nuit des temps l’homme entretien, cultive et utilise le bois. Pour se chauffer, pour se loger et pour s’équiper.

On peut classer le bois parmi ces objets inanimés dont Lamartine se demande s’ils n’auraient pas une âme (dans le très long poème Milly ou la terre natale). Le bois est à la fois un symbole de vie et un symbole de mort. Jusqu’en 1981, les bois de justice désignaient en effet la guillotine.

La fin de tout, tapisserie de Jean Lurçat

Selon les âges et les cultures, on attribue au bois des symboliques en tous genres, en jouant sur les différentes essences . L’olivier en particulier car il a joué un rôle important dans l’histoire de l’humanité. Dans son Chant du Monde, c’est par une branche cassée que Jean Lurçat symbolise la fin de tout.

Les racines des arbres visitent l’intérieur de la terre et leurs cimes tendent vers la voute étoilée du ciel. On peut donc voir les arbres comme un lien entre l’infiniment profond et l’infiniment élevé. En quelque sorte, le bois est un morceau d’infini.

L’arbre tordu vivra toute sa vie, l’arbre droit finit en planches

Proverbe japonais

En parlant de bois, ce proverbe japonais parle naturellement de nous-mêmes et nous incite à non pas tellement à choisir mais à peser chaque argument car pourquoi ne pas avoir un destin de planche ? Après tout, être une planche de salut peut constituer un destin enviable, non ?

En réalité, le bois nous incite à réfléchir sur la nature même des choses. De quel bois sommes-nous faits ? De quel bois nous chauffons-nous ?

Des questions à méditer auprès d’un bon feu de bois…

À demain, 21 heures

Catégories
Réflexion(s)

Pléiade

Depuis presque cent ans, la Bibliothèque de la Pléiade représente une consécration pour les auteurs et une référence pour les lecteurs ; bref, une certaine idée du livre et, plus largement de la culture. Composée de presque huit cents titres, cette collection est aujourd’hui devenue une institution.

Baudelaire, le premier Pléiade

Ces beaux livres sont ce que, techniquement, les professionnels de l’édition appellent des livres de statut, dont la définition est amusante : si vous en avez un, c’est qu’on vous l’a certainement offert et si vous en achetez un, c’est certainement pour l’offrir. En réalité des livres qu’on ne lit que rarement… et c’est dommage car Gallimard, qui en est l’éditeur, apporte un grand soin à la conception, l’édition et la fabrication de ces ouvrages. Lire un Pléiade est un plaisir total : pour l’esprit, bien entendu, et aussi pour les sens car ces livres sont beaux, sentent bon et les pages sont agréables au toucher.

Des Livres de poche

La Bibliothèque de la Pléiade est, en quelque sorte, la haute couture du livre. À l’heure où l’information est omni-présente et diffusée sur tout ce que la planète compte de réseaux électroniques en tous genre, il y a certainement là une piste de réflexion. Alors que les tablettes et les liseuses sont partout, le livre de poche a-t-il encore un sens ? Et plus largement, le livre ne pourrait-il être la haute couture de l’édition ?

Quand on pense au livre, ce qui vient immédiatement à l’esprit est la question du fond, ou du signifié comme disent les linguistes. Parce qu’il rend tout contenu fluide, le numérique impose de s’attaquer à la question de la forme. Bref, le livre ne devrait-il pas, lui aussi se poser la question de sa nature même ?

Après tout, dans d’autres domaines, c’est avec une approche par le haut que certaines activités ont tiré leur épingle du jeu. Les bouchers indépendants, par exemple, laissent la viande bas de gamme aux supermarchés et se concentrent sur les viandes de race.

Idem pour les boulangers de quartier qui ne vendent plus de baguette toute simple depuis longtemps. Ce pain qui colle aux dents et qui alourdi la digestion est aujourd’hui uniquement industriel. Les boulangers vendent du pain de tradition française, fait de façon artisanale avec des farines de qualité. Plus largement, dans les professions alimentaires le terroir est une véritable bouée de sauvetage.

Lire n’est pas seulement apprendre ou se cultiver ou même rêver. Lire c’est d’abord penser, laisser son esprit vagabonder. Lire est l’école buissonnière de l’imagination. Et pour cela le fond et la forme doivent se répondre et se compléter. Sauver le livre commence peut-être par une remise en question de sa nature même.

À demain, 21 heures.

Catégories
Culture

Économie

Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous vivons dans la société de consommation. Bien entendu, en soixante-quinze ans les choses ont bien changé mais les fondamentaux, eux, n’ont finalement pas trop évolué. Quand on vit en 2020, s’intéresser à l’économie permet de comprendre le monde dans lequel on vit, tout simplement.

Toute la question est de savoir comment s’y prendre…et face à un sujet aussi vaste, ce n’est pas chose facile. C’est d’ailleurs la première leçon de cette science humaine : en économie, les contraires ne s’opposent pas forcément et plusieurs chemins peuvent permettre d’atteindre le même résultat.

Jean Fourastié

Autre avantage de l’économie, comme c’est une science humaine, on y trouve parfois de très bons auteurs, agréables à lire. C’est le cas de Jean Fourastié dont l’ouvrage le plus connu est également le manifeste de toute une époque, les Trente glorieuses. Paru en 1979, cet ouvrage est naturellement dépassé mais pose les fondamentaux du monde qui est le notre encore aujourd’hui.

Economix

Plus léger et plus complet mais plus anglo-saxon dans son approche, Economix a l’avantage d’être une bande dessinée. Bien que publié assez récemment (2012) ce livre est très classique dans son approche et pose les fondamentaux de l’histoire économique. Disponible en édition originale (anglaise, à couverture verte) et traduit en français (couverture rouge), Economix fait partie de ces ouvrages (tout comme les Découvreurs) qui permettent de prendre beaucoup de hauteur.

Demain ne meurt jamais

Lever la tête du guidon, voilà l’enjeu. Nous vivons à un rythme fou, dans un monde ultra connecté où chacun aimerai déjà être à demain, tout comme Elliot Carver, le héros de Demain ne meurt jamais. En moins de vingt ans, les Gafa, ont inventé une nouvelle économie qui tend vers l’avenir chaque jour d’avantage.

Comme ils semblent ne pas avoir d’histoire, les Gafa donnent l’impression de tout graver dans le sable. Or, pour autant, le monde d’aujourd’hui nous vient du passé. Tout comme en biologie, la génération spontanée n’existe pas. Même l’innovation la plus radicale est le fruit d’une évolution.

Et c’est là tout l’intérêt de l’économie, qui pour comprendre, met les choses en perspective. En 2020, l’économie ne peut plus se contenter d’être une science humaine réservée aux élites universitaires et aux étudiants des écoles de commerce. En réalité, l’économie est une science du quotidien qui doit faire partie de notre culture générale, tout comme les beaux arts ou l’histoire.

À demain, 21 heures

Catégories
Réflexion(s)

Traditions

Les traditions ont un indéniable côté rassurant : on a toujours fait comme ça, alors on continue. Les traditions se transmettent de générations en générations. Nos parents avant nous les pratiquaient, nous les pratiquons depuis l’enfance et nous serons heureux de les transmettre à nos propres enfants. Les traditions construisent les cultures.

Et comme les traditions ont un petit côté fractal, il en existe à toutes les échelles : le pays, la famille ou soi-même car, avouons-le, chacune et chacun de nous vit avec ses petites traditions. Les traditions vont au delà des simples habitudes. Elles permettent de créer des rituels qui rythment nos existences.

À première vue, les traditions ne posent pas de questions, elles sont. On les respecte et on les pratique, tout simplement. À première vue du moins car les traditions posent en réalité beaucoup de questions.

Les Recettes faciles

Parce qu’elles se transmettent par la pratique, les traditions posent rarement la question du comment et c’est d’ailleurs ce qui dénote leur ancrage culturel. Amusons-nous à chercher la recette des œufs au plat, par exemple… et bien même dans les fameuses Recettes faciles de Françoise Bernard, on ne la trouve pas ! Dans le même ordre d’idée, dans certains restaurants, je suis toujours amusé de voir des touristes manger une soupe à l’oignon à déjeuner…

Les traditions posent la question du pourquoi. Certes on fait telle ou telle chose depuis toujours, mais sait-on vraiment ce qui justifie cette pratique ? En cela les traditions ne sont pas forcément si rassurantes que ça, car elles nous remettent face à nous mêmes. Pourquoi fait-on comme ci ou comme ça ? Est-ce encore justifié ? Ne pourrait-on pas faire mieux ou autrement ? Avant de nous lancer dans la reproduction mécanique d’un geste ou d’une pratique, les traditions questionnent cette pratique en elle-même.

Parce qu’elles nous permettent de remettre les choses en question, les traditions nous permettent chaque jour de nous remettre nous-mêmes en question.

À demain, 21 heures.

Catégories
Geekeries

Simplicité

Tout a été dit, ou presque, sur la simplicité et la difficulté de faire simple. De la petite robe noire de Chanel à l’iMac de Steve Jobs, dans la vie des affaires, la simplicité a tout de la quadrature du cercle. Ne garder que l’essence même de ce qu’on cherche à faire passer, est un défi incroyable.

Henri Bergson

Du point de psychologique également, il est difficile de faire simple et nombre d’entre nous se font souvent des nœuds au cerveau pour pas grand chose, quand il suffit généralement prendre un peu de hauteur ou de parler, de poser sa pensée par la parole, comme disent les spécialistes. Là encore les ouvrages et les réflexions pullulent, à commencer le fameux Essai sur les données immédiates de la conscience d’Henri Bergson.

Souvent, cependant, les plaisirs les meilleur sont également les plus simples et il est parfois nécessaire de ne pas trop se poser de questions, de ne pas trop penser, en quelque sorte. Et c’est exactement ce qui m’est arrivé quand un de mes amis m’a fait parvenir un support de recharge pour mon Apple Watch.

Alors, oui, en pratique c’est un morceau de plastique sur lequel on pose sa montre pour la recharger. C’est confondant de simplicité mais le plaisir de recevoir ce cadeau tout simple m’a rempli de joie pour un bon moment. J’en ai même fait une vidéo.

Unboxing et présentation du stand Elago W3 pour Apple Watch

À demain, 21 heures

Catégories
Geekeries

Courbes

Pierre Bézier fait partie de ces rares personnages dont on utilise les créations tous les jours, sans même le savoir. Au début des années 1960, pour résoudre des problèmes de conception industrielle, il a créé les courbes qui portent son nom. Ce sont des objets géométriques complexes à décrire de manière théorique mais dont la manipulation pratique est d’une simplicité enfantine. C’est ce qui fait toute leur puissance.

Une courbe de Bézier
Logo d’Inkscape

Les courbes de Bézier permettent le dessin vectoriel qui a la caractéristique d’être impossible à réaliser sans ordinateur. Mieux, le dessin vectoriel permet, dans une certaine mesure, d’abolir la notion d’échelle (voir la chronique consacrée aux fractales). Encore mieux : le dessin vectoriel fait se rejoindre description mathématique et expression artistique. Pour découvrir le dessin vectoriel, rien de plus facile, il existe de très nombreux logiciels le permettant. Inkscape, par exemple. Mais le géant du dessin vectoriel reste Illustrator, créé par la société Adobe.

Fonte vectorielle

La vraie innovation d’Adobe, cependant, n’est pas tant Illustrator ou la fameuse Créative Suite mais un langage informatique, PostScript. Les usages de ce langage sont incroyables de puissance et de diversité : les documents PDF, les polices d’affichage de votre ordinateur ou de votre téléphone portable, les pages de votre imprimante… tout ça doit quelque chose — directement ou indirectement — à PostScript et à ses descendants. L’importance de ce langage est telle qu’une de ses applications (le format PDF) est devenu une norme technique régulée par l’ISO.

Les héros sont parfois discrets et ils n’en sont que plus fascinants. Les courbes de Bézier, le langage Postscript et ses dérivés sont d’une discrétion totale. À tel point qu’on ne les voit plus. Et pourtant leur absence changerait certainement la face du monde d’aujourd’hui.

Au cours de la ruée vers l’or, dit la légende, les seuls à être devenus riches sont les marchands de pelles et de pioches. Dans la grande famille des géants du numérique, Adobe fait figure de héros discret. Un véritable manifeste pour les timides.

À demain, 21 heures

Catégories
Geekeries Réflexion(s)

Fractales

Mises en lumière à la fin des années 1970 par le mathématicien Benoît Mandelbrot, les courbes fractales ont la propriété étonnante de présenter une structure similaire à toutes les échelles. Cerise sur le gâteau les équations qui permettent de les générer peuvent être assez simples. En pratique, on a beau zommer encore et encore sur la courbe, elle a toujours le même aspect. Sans être aisé à faire à la main, le calcul fractal ne demande pas non un ordinateur d’une grande puissance, si bien que dans les années 1980, les courbes fractales ont fait fureur dans la presse de vulgarisation scientifique.

Représentation de l’ensemble de Mandelbrot

Avec ce qu’on appelait alors un micro-ordinateur familial il était assez aisé d’écrire un programme de calcul de courbes fractales. C’était récréatif et rafraichissant. Naturellement, la théorie des fractales a trouvé des applications dans le domaine de la finance et quelques autres domaines de l’économie.

Benoit Mandelbrot (1924-2010)

Au delà des mathématiques, il est possible de regarder le monde au travers d’un prisme fractal. De très nombreuses constructions humaines ont un aspect de reproduction à l’identique avec l’échelle comme seule variation. L’organisation administrative est souvent fractale. Prenons la France : les communes, les départements, les régions, l’état (voire même parfois l’Union européenne). Les postes restent les mêmes, les responsabilités et les rôles restent les mêmes, seule change l’échelle. Le maire, le préfet, le préfet de région, le ministre de l’Intérieur. Chacun à son échelle traite le même problème.

Dans les entreprises ou les structures associatives on trouve également des organisations fractales : un vendeur, sur le terrain, qui rapporte à un directeur des ventes dans une agence locale, qui lui même rapporte à un directeur régional… et ainsi de suite jusqu’au directeur commercial monde, pour peu qu’on soit dans une multinationale. Vu sous cet angle, le monde est fait de poupées russes… et de toute la tringlerie de communication qui va avec !

Naturellement considérer le monde au travers du prisme fractal relève d’une démarche poétique, en quelque sorte. Il n’en reste pas moins que le prisme fractal permet de comprendre le monde par estimations successives. Une fois vue la structure globale il est possible de l’affiner et de la préciser mais si on ne s’est pas trompé dans sa vision initiale, on peut réfléchir avec des bottes sept lieues, en quelque sorte. Dans un monde qui semble de plus en plus complexe, prendre de la hauteur n’est pas inutile.

À demain, 21 heures

Catégories
Geekeries Réflexion(s)

Identité

Qui suis-je ? Cette question chacune, chacun d’entre nous se l’est posée au moins une fois dans sa vie. Généralement il s’agit d’une question prise sous l’angle philosophique, psychologique voire psychiatrique : c’est la question de la personnalité.

Il y aussi un autre aspect, plus technique : l’identité, c’est-à-dire un ensemble de caractéristiques à même de nous définir non pas dans notre rapport à nous-mêmes mais dans notre rapport aux autres. Ici tout l’enjeu consiste à réduire les incertitudes : celui ou celle que j’ai en face de moi est-il ou est-elle bien celui ou celle qu’il ou elle prétend être.

Depuis toujours, pour résoudre ce problème, on pratique une triangulation : chacune des deux parties en présence se réfère à une troisième, conjointement acceptée comme référente et qui joue le rôle de garante. Évidemment, tout l’intérêt de la chose réside dans la nature du référent.

Le moyen le plus ancien est reconnaissance par la filiation : nous sommes tous fils et filles de nos parents. Cela se retrouve dans certains noms anglo-saxons : Jackson (le fils de Jack), Olavsson (le fils d’Olaf)… et quand les parents étaient inconnus, il était de coutume de nommer les enfants trouvés selon le lieu où ils avaient été trouvés : d’où des patronymes tels que Nevers, Kermadec ou autre.

La reine Elizabeth II

Le moyen le plus courant aujourd’hui est la reconnaissance de l’identité par l’État qui émet des documents officiels d’identité. D’ailleurs il suffit de bien lire la dernière page de son passeport pour s’apercevoir qu’on en est pas propriétaire. Et d’ailleurs comme au Royaume Uni les passeports sont délivrés au nom du souverain, la reine Elizabeth n’en a tout simplement pas car cela n’aurait pas de sens.

Deux tendances viennent perturber cette mécanique bien huilée. Les formes électroniques d’identité, tout d’abord. Utiliser son compte Facebook ou son adresse Gmail pour s’identifier sur le web, c’est faire de Facebook ou de Google des référents qui se substituent à l’État.

Comme tout se fait sur le web, on comprend facilement pourquoi les géants du web accordent beaucoup d’importance aux services d’identification. Et on comprend aussi pourquoi les États sont si attachés au cloud souverain. S’ils perdent la partie, les États seront uberisés, tout simplement.

Robert Nozick

L’autre tendance c’est l’identité par la communauté d’appartenance : ici nombre de paramètres peuvent entrer en ligne de compte et même se superposer : religion, sexualité, goût ou intérêt. Il existe autant de communautés que de choix possibles. Cette forme d’identité par l’adhésion est une sorte de scotch double face. Il ne suffit pas de se proclamer de telle ou telle appartenance, il faut également se faire reconnaitre comme tel. D’où l’importance de cérémonies –publiques et collectives — comme le baptême, par exemple.

En poussant un peu la réflexion on en arrive à questionner la place de même de l’État. Après tout, ne pourrait-on pas s’en passer, tout simplement ? C’est la question que pose le philosophe Robert Nozick dans un ouvrage qui a fait date : Anarchie, État et utopie (Puf).

Alors, s’identifier sur un site web, est-ce un peu détruire l’État ? Une question à réfléchir en confinement…

À demain, 21 heures

Catégories
Réflexion(s)

Équilibre

L’équilibre fait partie de ces notions qui peuvent être totalement théoriques ou complètement pratique. En psychologie (voire même en psychiatrie) on recherche l’équilibre du caractère. En art on recherche l’équilibre. L’équilibre des couleurs, par exemple, contribue à l’esthétique d’une œuvre. Les cavaliers eux aussi cherchent à mettre leur monture en équilibre.

Pour le dire en termes mathématiques, l’équilibre peut être vu comme la dérivée de la stabilité dans le temps. Il est possible de trouver ponctuellement une situation de stabilité. Il est plus compliqué d’étendre cette situation à un continuum temporel. Car il faut le noter, l’équilibre est une notion qui implique de s’inscrire dans le temps.


Décomposition de la marche

Certaines situations n’ont d’équilibre que l’apparence. La marche à pieds, par exemple, n’est pas un équilibre mais une série de déséquilibres qui s’enchainent. Cela peut paraitre étonnant, mais on tombe en marche, littéralement. À cette image, trouver une situation d’équilibre consiste à s’inscrire dans une dynamique. Assez paradoxalement, l’équilibre est un mouvement perpétuel. On peut reprendre ici un joli ver de Paul Verlaine (in Mon rêve familier), l’équilibre n’est à chaque fois ni tout à fait [le] même, ni tout à fait [un] autre.

Gérard Debreu

Et si les équilibres sont fragiles c’est que, précisément, il faut savoir doser le mouvement. D’ailleurs, la recherche de l’équilibre général est un problème récurrent en science économique. Et c’est pour avoir travaillé sur cette question que Gérard Debreu a obtenu un prix Nobel d’économie. Avec K. Arrow, il propose en 1954 un modèle qui fait référence bien qu’il ne soit pas exempt de critiques.

Près de soixante-dix ans après la proposition de Debreu, il est tentant de faire un parallèle entre l’équilibre général et le développement durable ; car, après tout, entre ces deux notions il n’y a qu’un pas. Trouver un équilibre permet de s’inscrire dans le temps et donc certainement de faire durer les choses.

Vu sous cet angle, le développement durable peut être considéré comme une démarche économique et pas seulement environnementale. On peut même aller plus loin et se dire qu’il est possible pour chacune et chacun d’entre nous de s’inscrire dans une démarche durable qui ne se limite pas à des gestes environnementaux, mais qui s’incarne dans des gestes du quotidien.

Or, plus largement, pour chacune et chacun d’entre nous, bien souvent, sous la notion d’équilibre se cache en réalité une recherche de sérénité. Il ne s’agit pas d’être bien dans sa peau ponctuellement, mais de trouver un état d’équilibre qui, seul, permet de s’inscrire dans la durée et donc de construire pour l’avenir.

La sérénité, voilà précisément ce que cherchent les protagonistes de En équilibre, un film à regarder en confinement, pour se mettre sur le chemin de la recherche de l’équilibre.

À demain, 21 heures