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Projet

Quelle que soit leur nature, il y a toujours un moment où les entreprises sont confrontées à l’industrialisation. Il ne s’agit pas forcément de produire toujours plus mais souvent de produire mieux.

Dès qu’on parle de ce type d’approche, les processus ne sont jamais loin et qui dit méthode dit plan. Pratiquée dès 1929 par l’URSS, la planification a marqué l’économie politique au point qu’aujourd’hui encore en France on trouve un haut-commissariat au plan ! Alors, bien sûr en entreprise on ne parle plus de plans, mais le mode projet a envahit toutes les fonctions et tous les métiers.

Après avoir constitué des démarches très déterministes (comme du temps de Merise et de Six Sigma), les méthode de gestion de projet se sont assouplies. Aujourd’hui, tout se doit d’être agile et ce qui n’était en 2001 qu’une philosophie de développement informatique est devenue une sorte de dictature par les projets, à grand renforts de Post-it notes collés sur les murs et de réunions d’analyse de back log.

Libres d’obéir

Face à cette approche assez totalitaire, il peut être utile de lire l’excellent Libres d’obéir de Johann Chapoutot. Bien sûr, il s’agit d’une approche historique mais elle permet de mettre en perspective le monde dans lequel nous vivons et de questionner toutes ces méthodes qui, soi disant, donnent plus de liberté…

Mais surtout, quelle que soit la méthode qu’on adopte, le mode projet permet de rendre les idées tangibles et palpables. S’engager dans un projet permet de se mettre en marche et de se confronter au réel.

Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va

Sénèque

Dans un projet, tout peut changer : la méthode, l’objectif, les moyens même, peu importe. Il y pire que de ne pas réussir, c’est de ne ne pas essayer. Ce que Michel Audiard résume dans un dialogue d’Un taxi pour Toubrouk resté célèbre : deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche !

Un taxi pour Toubrouk

Avancer dans la vie commence toujours par un premier pas.

À demain, 21 heures

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Réflexion(s)

Prospective

Prévoir l’avenir, voilà bien une grande question ! Que sera demain ? Bien malin qui peut le dire et pourtant, nombreux sont celles et ceux qui s’y risquent.

Entre la boule de cristal de madame Soleil et les discours des prospectivistes académiques les plus doctes, la frontière est finalement ténue car au delà du style, c’est avant-tout une affaire de ressenti. Ce n’est pas par hasard que les prédictions les plus justes ont souvent été le fait des artistes qui, précisément, rêvent le monde.

Sim City

Par nature, les innovations de rupture sont imprévisibles. Et elles sont souvent le fait de nouveaux entrants qui, parce qu’ils ne sont pas du métier qu’ils adressent regardent la situation d’œil neuf et arrivent à un résultat que les spécialistes n’auraient pas pu concevoir, n’ayant pas la liberté de le faire.

Avec la pensée buissonnière, le sociologue Christian Gatard propose une troisième voie, entre le rêve et le scientisme. Une pensée rigoureuse sur la forme mais poétique sur le fond, c’est-à-dire imaginative et positive. Il ne s’agit pas tant d’apporter des réponses que de soulever et comprendre les questions qui se posent l’une après l’autre, au fur et à mesure qu’on avance.

Nos vingt prochaines années de Ch. Gatard

Celles et ceux qui ont joué à Sim City voient de quoi il s’agit, on dévoile le terrain en avançant. Pas question de prévisions précises ou de planifications qui se révèleraient hasardeuses ; il s’agit juste de savoir ce qui pourrait arriver si…

Mais surtout, dans cet exercice, ni erreur ni certitude et encore moins de dogme. Juste une invitation à chercher, à imaginer, à envisager. À chacune et à chacun de se poser les questions, de scénariser, de penser autrement. Une seule règle : ne pas se mettre de frein, chercher à penser différemment car ce qui semble impossible à certaines et à certains constitue juste une évidence pour d’autres. Il suffit parfois de faire un pas de côté pour tout réinventer.

Tout comme l’école du même nom, la pensée buissonnière invite à la créativité et ouvre à l’expérience.

À demain, 21 heures.

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Réflexion(s)

Impact

Il arrive que les mots changent de sens au fil du temps. Le mot impact, par exemple. Il n’y a pas si longtemps, cela permettait de qualifier l’effet positif d’un discours ou d’une action. Une idée avait de l’impact ou un discours ou une bien décision pouvaient avoir de l’impact. En clair, cela déclenchait une réaction en chaîne et pouvait mettre des forces en marche.

Dans le domaine des sciences, parler d’impact revient souvent à évoquer le facteur d’impact, une méthode de classement des revues scientifiques. Bien que controversé, ce système a au moins le mérite de la clarté. Être publié dans une revue à fort impact, c’est être reconnu par ses pairs. En cela, le facteur d’impact va dans le sens de la définition de la vérité en science, qui peut être vue comme le fruit d’un consensus.

Dans le domaine de la publicité, l’impact est une notion liée à la mémorisation. Et on doit au mathématicien Armand Morgensztern la définition d’un Beta de mémorisation qui, à défaut d’être bien précis, joue le rôle d’étalon de mesure et permet au marché publicitaire de prospérer (ce que nous avons déjà eu l’occasion d’aborder).

Sketch de Coluche sur la publicité

Mais surtout, lorsqu’un terme mute au fil du temps, cela revient parfois à forger des anti-phrases. Ainsi certains acteurs souvent issus de démarches économiques alternative parlent-ils de projets à impact. Il s’agit en réalité d’une démarche consistant à faire en sorte que le projet qu’on porte ait un impact positif sur l’environnement, ou la société.

Sans définition claire (ce que les juristes appellent une définition opposable), il est évident que cette louable intention va prêter le flanc aux dogmatismes en tous genres, chacun cherchant à « laver plus blanc » que les voisins.

D’autre part, il est certain que des acteurs de l’économie traditionnelle finiront par se saisir du concept, y voyant une occasion de faire de l’impact washing, tout comme cela se pratique déjà avec le green washing écologique.

Vous n’avez pas raison ou tort parce que d’autres sont d’accord avec vous. Vous avez raison parce que vos faits sont exacts et votre raisonnement est juste.

Warren Buffet

Sans définition claire et sans mesure précise, pas d’impact efficace.

À demain, 21 heures

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Réflexion(s)

Uberisation

L’uberisation consiste à partir d’une feuille blanche pour repenser une activité qui ronronne en assemblant des composants numériques de façon créative. Cela permet de proposer un service modernisé tellement pratique qu’il s’impose en un éclair.

Le livre de C. Perez

Il y a dans l’uberisation un principe d’innovation et d’amélioration continue aussi ancien que l’industrie elle-même. À ce propos, l’analyse de Carlota Perez (in Technological Revolutions and Financial Capital: The Dynamics of Bubbles and Golden Ages) est lumineuse car elle insiste précisément sur le facteur le plus ignoré des commentaires d’actualité : la dimension temporelle, qui doit être envisagée à l’échelle humaine c’est-à-dire sur le temps long.

L’uberisation n’est pas le fait exclusif de société commerciales. Wikipedia, a, en quelque sorte uberisé le savoir en rendant obsolètes les encyclopédies les plus prestigieuses. Et d’ailleurs, servant de socle à la quasi-totalité des services numériques qui ubérisent la société, le logiciel Libre tient une grande part dans ce mouvement souvent vilipendé.

Dans ce contexte, travailler ce n’est plus forcément avoir un emploi, L’uberisation diversifie et démultiplie les formes de travail. Plus important, les formes de rémunérations ne sont plus forcément pécuniaires.

Mais surtout, l’uberisation finira certainement par remettre en question la place et le rôle même de l’État. En France, dès qu’on parle d’économie, de travail et d’emploi, l’État n’est jamais très loin. Il s’agit là d’un lointain héritage qui remonte à Louis XIV : le jacobinisme, point commun à toute la classe politique française. Cette véritable passion nationale donne à notre pays la manie de la centralisation. Comment tout cela va-t-il évoluer face l’uberisation et à la société des Gafa ?

Née dans la Silicon Valley, l’économie des Gafa apporte avec elle des concepts dont le libéralisme (au sens anglo-saxon) constitue la pierre angulaire : individualisme, mérite, équité, etc. Ces nouvelles valeurs qui redessinent la société finiront un jour par redessiner l’État.

Paradoxalement le monde des Gafa a permis l’émergence de géants, qui en réalité, généralisent des formes très atomisées de sociétés. Chacun pour soi et les Gafa pour tous, en quelque sorte.

À demain, 21 heures

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Culture

Cinéma

Depuis son invention par les frères Lumière, le cinéma fascine. Partout sur la planète, il fascine les créateurs et les industriels, ce qui a permis le développement d’un écosystème. Mais le cinéma fascine également le pouvoir et, naturellement, le cinéma fascine les spectateurs. Aller au cinéma est un loisir à la portée de chacune et chacun d’entre nous.

Une salle de cinéma

Le cinéma, comme le sport, est une passion populaire qui va au delà des différences de la société et qui rassemble des amatrices et des amateurs de tous les horizons : jeunes et vieux, urbains et ruraux, hommes et femmes, ouvrier et patrons… quand on est passionné (ou simplement intéressé) par le cinéma , on peut y trouver un plaisir partagé car le cinéma n’est pas seulement ouvert à toutes et à tous, c’est surtout un loisir collectif. Et, comme le dit Michel Berger, y’a pas de honte à aller au cinéma pas pour le film mais pour ce qu’on y fera. Et tout est là : avant tout, aller au cinéma se vit.

Michel Berger Y’a pas de honte (dans l’album Différences, 1985)

Mais surtout, le cinéma est un miroir grossissant de la société. Il va de la caricature (comme par exemple dans Les Bronzés) à la préfiguration (comme dans Le Huitième jour, notamment) et la palette les large, du rêve au cauchemar.

Bien entendu, les plateformes de diffusion de contenus procèdent du même esprit et propagent elles aussi une culture collective qui offre à la génération qui la découvre son expérience propre. Les jeunes d’aujourd’hui étant inexorablement les vieux de demain, il ne manqueront pas dans quelques décennies de regretter le temps où ils vivaient une expérience fantastique devant telle ou telle série… tout comme leurs grands parents regrettent les salles obscures, leurs films et leurs glaces Miko (en vente dans cette salle !)

Depuis son invention, le cinéma façonne chaque génération, l’une après l’autre. Êtes-vous de la génération Trilogie du dollar ou bien Star Wars ? Êtes vous plutôt Jean Gabin ou Marion Cotillard ?

Le cinéma nous manque parce que c’est un expérience collective

À demain, 21 heures

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Réflexion(s)

Réfléchir

Réfléchit-on avec son cerveau ou bien avec ses tripes ? Et peut-on réfléchir avec son cœur ? S’agit-il d’une activité exclusivement humaine ? Peut-on agir sans réfléchir ? Ou bien, au contraire, est-il possible de trop penser ? Réfléchir à la réflexion semble, avant-tout, poser des questions. Réfléchir, serait-ce uniquement un moyen de se faire des nœuds au cerveau ?

L’Oeil de MC Escher

À première vue, le lien entre réflexion et logique s’impose d’évidence, de même que le lien entre réflexion et connaissance. Ainsi, améliorer sa capacité de réflexion va demander de développer ses connaissances et de travailler son sens de la logique. Dans une telle approche quantitative de la réflexion, il est évident que des systèmes automatisés (tels que l’intelligence artificielle) finiront par supplanter l’être humain, tout comme l’ordinateur a déjà mécanisé des activités telles que la comptabilité ou les statistiques.

René Descartes

Au contraire, la réflexion ne serait-elle pas plutôt une affaire d’intuition ? Et si oui, comment discerner les bonnes et les mauvaises intuitions ? C’est en cherchant dans cette direction que René Descartes finit par faire du doute la pierre angulaire d’une philosophie résumée dans sa fameuse méthode (publiée en 1637) et qui a fait la hantise de générations de bacheliers.

Douter de tout, ou tout croire, sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir.

Henri Poincaré
Henri Poincaré

En renvoyant doute et certitude dos à dos, Henri Poincaré résume bien les choses. Réfléchir consiste avant tout à peser le pour et le contre afin de tenir compte des paramètres en présence.

Mais surtout, réfléchir consiste à se poser les bonnes questions. Cela ne relève ni totalement du domaine de la connaissance ni totalement de celui de l’intuition. Cela ne demande pas nécessairement des connaissances encyclopédiques ou une capacité logique hors du commun. Poser une bonne question est une affaire de pertinence.

Une bonne question se doit d’arriver au moment opportun. Une bonne question permet d’envisager des possibles qu’on peut concrétiser ici et maintenant. Ainsi on ne réfléchit pas en vain. On ne raisonne pas comme un tambour, on peut se mettre en marche et avancer.

L’intelligence consiste à poser la bonne question au bon moment.

À demain, 21 heures

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Réflexion(s)

Gentillesse

La gentillesse consiste à rendre service à quelqu’un qui vous le demande. Telle est la définition que propose le philosophe Emmanuel Jaffelin d’un concept dont on pourrait penser au premier abord, qu’il n’y a pas grand chose à en dire.

Emmanuel Jaffelin a publié plusieurs ouvrages sur le sujet et deux méritent qu’on s’y arrête : le Petit éloge de la gentillesse constitue bien entendu l’ouvrage de référence de l’auteur. Et on lira également avec intérêt sa Petite philosophie de l’entreprise, très utile pour vivre mieux avec ses collègues et donc travailler mieux au quotidien.

Au fil des années, Emmanuel Jaffelin a développé ce que les philosophes appellent une éthique de la gentillesse ; en clair un mode d’emploi. Tout l’intérêt de ses travaux tient au fait que la gentillesse telle qu’il la définit repose sur un rapport de réciprocité. Autrement dit, pour être gentil, il faut être deux. On est pas gentil tout seul.

Mais surtout, la gentillesse nous incite à la bienveillance, qu’on pourrait définir comme une gentillesse réciproque. À première vue, cela peut sembler idiot et même presque niais.

Une courte conférence d’Emmanuel Jaffelin sur la gentillesse

Et pourtant, avouons que cela simplifierait bien les choses en permettant en quelque sorte de vivre au premier degré. C’est-à-dire sans se faire de nœuds au cerveau, ce qui transforme la vie une grande partie d’échec ou de billard à trois bandes. Nous pourrions tous développer une sorte de gentillesse sociale, qui consisterait à s’ouvrir aux autres et à les accueillir sans arrière pensée. Cette démarche est à la portée de chacune et de chacun d’entre nous, car elle commence avec la personne qu’on a en face de soi.

Souvent les hommes se haïssent les uns les autres parce qu’ils ont peur les uns des autres ; ils ont peur parce qu’ils ne se connaissent pas.

Martin Luther King

Il se trouve qu’en France, la gentillesse sociale a un nom. Nous l’appelons fraternité. Et c’est tellement important qu’on en a fait une devise qui trône sur tous les frontons.

La République nous incite à nous accueillir les uns les autres pour construire ensemble un pays en commun.

À demain, 21 heures.