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John Ludd

Alors que la Révolution industrielle permettait la mécanisation de l’artisanat, John Ludd, ouvrier de légende, tentait de se battre contre les machines, allant notamment jusqu’à exiger qu’on leur applique les mêmes horaires de travail qu’aux tisserands voire, allait jusqu’à détruire les machines.

John Ludd dans l’imaginaire collectif

Force est de constater que plus de deux cents cinquante ans après, les luddites existent toujours. Ils tentent maladroitement de lutter contre le progrès non pas tellement au motif que c’était mieux avant mais que la préservation du statu-quo serait une situation préférable.

Or, lorsqu’une innovation s’impose (de l’automobile à l’aspirateur en passant par le smartphone) rien ne peut la retenir. Et c’est précisément parce qu’elles ont des impacts majeurs que les innovations importantes deviennent des phénomènes de société.

Le chapitre consacré aux prométhéens et aux pastoralistes de l’essai Breaking smart de Venkatesh Rao résume parfaitement les choses pour le numérique mais il est tout à fait possible d’étendre l’analyse à d’autres domaines.

Prométhéens et pastoralistes

La résultante du conservatisme est connue. Ses partisans deviennent dogmatiques et finissent par être laminés par la vague de fond contre laquelle les piètres digues qu’ils tentaient de construire ne peuvent rien. C’est ce qui est arrivé à la tristement célèbre — et pour ainsi dire mort-née — Hadopi il y a quelques années.

Mais surtout, John Ludd et son mouvement nous interrogent sur le progrès et sur l’inexorable fuite du temps que, bien entendu, on ne saurait arrêter. Déjà dans sa fable Le chêne et le roseau Jean de Lafontaine vantait les mérites de l’adaptabilité. Plus près de nous, dans L’origine des espèces, Charles Darwin le démontrait scientifiquement. Dans le même esprit, E. Rogers analysait, quant à lui, la diffusion des innovations et démontrait, dans un ouvrage qui fait encore référence, que ce qui doit s’imposer finit toujours par l’être, s’imposant inéluctablement dans toute la société.

Cycle de diffusion de l’innovation, d’après Everett Rogers

Il est naturellement possible de faire des pas de côté, mais face à une innovation majeure (technologique ou sociétale), la question n’est pas tant de savoir si on va l’adopter, mais quand on l’adoptera.

À demain, 21 heures

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Printemps

Hier nous parlions de cycles et, justement, aujourd’hui c’est le printemps ! Plus précisément, c’est l’équinoxe de printemps. Au delà de la définition astronomique du phénomène, il s’agit aussi — et peut-être même avant tout — d’un moment symbolique de l’année.

Pour nombre de croyances et de civilisations en effet, l’équinoxe de printemps est le prétexte à de nombreux et savant calculs qui permettent de fixer la date des fêtes mobiles. C’est le fameux comput de l’Église catholique (oui, oui, c’est bien ce mot qui a permis de forger le computer des anglo-saxons), mais c’est aussi la date de Norouz, le nouvel an persan et de bien d’autres encore. Sans compter les civilisations pré-colombiennes, trop souvent oubliées sous nos latitudes.

Le printemps, tableau de Sandro Botticelli

Plus prosaïquement, cette période de grandes marées et de grands vents a longtemps donné à nos grands mères le prétexte du fameux grand nettoyage : on ouvrait les fenêtres, on retournait les matelas et on vidait les placards pour y faire le tri avant de les ranger mieux. Le vent nouveau souffle partout !

C’est en cherchant à créer des paysages sonores que Jean-Michel Jarre a donné naissance à son deuxième album… Équinoxe (paru en 1978), qu’on pourra (ré) écouter avec plaisir, pour (re) découvrir les ambiances planantes d’une création qui a fait se lever le jour sur des musiques jusqu’alors inconnues et qui nous semblent presque banales aujourd’hui.

https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_kCr8MQoq8KCIboAp61hoX0wiIqC2W14yE
L’album Équinoxe de Jean-Michel Jarre

Mais surtout, le printemps est l’occasion de retrouver le sens de la joie. Les sentiments ont cela d’intéressant qu’ils ne se décrivent ou ne s’expliquent pas ; ils se ressentent. Plus que les autres formes d’expression artistique, la musique permet de transmettre des ressentis en faisant abstraction du vocabulaire.

Alors, bien entendu, l’oreille aussi s’éduque mais on pourra écouter Allegria (1982), le deuxième album des Gipsy Kings qui inonde les oreilles d’une joie communicative.

L’album Allegria, des Gipsy Kings

Le printemps nous invite à ressentir la joie simple et vraie du souffle de la nouveauté et nous donne de l’énergie pour aller vers la fin de l’année.

À demain, 21 heures.

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Cycles

Le nouveau confinement me donne l’occasion de reprendre la plume. Chaque soir, tant que le confinement durera, je m’efforcerai de publier un billet sur ce site. Je vous souhaite une bonne lecture.

Alors que le temps est et passe tout à la fois (voir cet article), la vie, elle, est souvent cyclique. Jour après jour, mois après mois, année après année, les mêmes évènements s’enchainent. En septembre c’est la rentrée, puis arrivent les fêtes de fin d’année, puis on tend vers les beaux jours qui permettent de partir en vacances avant de rentrer à nouveau.

Et d’ailleurs, alors que nous venions de célébrer le premier anniversaire du confinement, un autre s’impose ! La pandémie serait-elle cyclique, elle aussi ? La Covid nous ferait-elle revenir au temps des des romains qui — jusqu’à Jules César — faisaient démarrer leur calendrier le 1er mars.

Du temps de la Révolution, avec l’avènement du calendrier républicain, l’année commençait à l’équinoxe d’automne, ce qui permettait de mettre d’accord les astronomes et les révolutionnaires car la première République a été proclamée le 22 septembre (1792).

Allégories du calendrier républicain

Les révolutionnaires cherchaient à tout changer par principe mais il est amusant de constater qu’en matière de calendrier, ils ont gardé une très classique approche cyclique. Après tout, le système cosmique dans lequel nous vivons l’est également… ceci explique certainement cela.

Une montre affichant l’heure internet

Cycliques, donc, les calendrier sont aussi très liés à la nature et bien souvent ils sont le reflet des saisons, qui influent peu sur l’internet. Une remarque qui, à la fin du XXème siècle, donna à l’entreprise Swatch le prétexte à la création d’un temps internet aussi amusant qu’éphémère et dont l’ambition était de faire abstraction des fuseaux horaires et donc, en toute modestie, d’abolir les notions de jour et de nuit !

Mais surtout, chacune et chacun de nous sait bien que les cycles ne sont pas des cercles. On ne revient jamais réellement au point de départ. On ne repart jamais de zéro. Chaque cycle constitue une itération qui s’ajoute aux autres et qui modifie la construction toute entière. Contrairement aux métallurgistes qui procèdent par enlèvement de matière à chaque révolution de la pièce qu’ils travaillent sur leur tour, les cycles du temps ajoutent des couches d’expériences les unes sur les autres.

Les cycles du temps nous font avancer en spirale et nous font donc progresser… inexorablement.

À demain, 21 heures.